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L'histoire des refuges de la STD
 
Brève histoire des quatre refuges de la selle

Alain PURNODE et Pierre SODEN

" St Christophe, le 8 octobre 1894,

Mon cher Monsieur Bertrand,

Je suis allé lundi au refuge de la Selle. J’ai rapporté le registre que je vous envoie aujourd’hui.
J’ai trouver la porte du refuge ouverte et beaucoup de neige dans le refuge ; le bas du pilier, le plancher et les parois de l’encadrement intérieur de la porte étaient rouges de sang ; certainement des chasseurs y sont allés et vidés un chamois à l’intérieur du refuge. J’ai sorti la neige de l’intérieur autant que j’ai pu et j’ai refermé la porte ce qui m’a donné un peu de travail car elle avait gonflé et ne pouvait rentrer dans son logement. Quant à l’état général du refuge c’est à peu près toujours la même chose.

Saluts respectueux
Roderon J Ch. "

 

Il y avait seize ans que le premier refuge de la Selle avait vu le jour et il ne s’était pas passé une saison sans que le responsable Roderon ne se répande en gémissements épistolaires en direction de la STD naissante ; était en cause la charge écrasante de l’entretien du refuge dont l’état ne cessait de se dégrader : murs qui s ‘croulent, paille qui pourrit et planches du toit qui s’envolent, le tout sur un fond permanent d’humidité et de vandalisme.

Dès le démarrage du projet, des difficultés avaient surgi. Le Conseil municipal de St Christophe avait été réticent et le maire Rodier n’avait pas manqué, tout en donnant son accord pour la construction après maintes palabres, de préciser qu’ils (les habitants de St Christophe) "craignent que la construction du chalet nuise aux habitants de la commune et aux fermiers de la montagne en facilitant les voleurs qui pourraient se réfugier dans le-dit chalet et enlever des bestiaux ce qui serait très fâcheux ". Et il se réservait "le droit de faire démolir le chalet en cas qu’il surviendrait quelque inconvénient de ce genre au sujet de cette construction (Lettre de Rodier du 16/8/1877).

Bâti sur l’exact modèle de ses deux prédécesseurs, Belledonne et la Fare, par Etienne Favier d’Allemont, il avait coûté 2000 francs-or à la STD. Il nous en reste quelques clichés d’époque : c’est un quadrilatère de pierre sèches de cinq mètres sur trois, recouvert d’un toit à une pente en planches couvertes de pierres plates d’abord et plus tard de carton goudronné. Il comprend des "lits de camps superposés pouvant recevoir neuf ou dix personnes, une table, des bancs, un poêle et quelques instruments de cuisine ". Précisons tout de suite que les "lits de camp " ne sont que des assemblages de planche mal équarries formant plancher et rebords, bourrés d’une paille éternellement humide et en voie de pourrissement. L’inventaire de la literie ne mentionne que "neuf traversins en toile écrue ".

Ce refuge rend bien des services mais ses défauts, dont on a déjà parlé, apparaissent très rapidement et l’on ne cesse de devoir réparer les injures des hommes et du climat. En 1890, par exemple, il faut remplacer les planches du toit qui "ont été brûlées par une caravane à demi morte de froid ". En 1897, nouvelle réparation du toit avec du carton bitumé cette fois. En 1904, c’est Pierre Gaspard Père, le héros de la Meije, qui relève Roderon : il doit faire reprendre les murs de pierre qui menace ruine une fois de plus. En 1911 nait ou plutôt avorte, un projet de nouveau refuge car "la solidité donne des inquiétudes " mais le refuge Jean Collet est prioritaire et rien ne sera fait avant 1930 ; comme le note mélancoliquement un chroniqueur de l’époque : " son existence, il est vrai, était un peu morne au cours de cette dernière décade car son hospitalité, suffisante pour les marmottes qui le hantaient, était souvent jugée trop sommaire par les caravanes. "

Deux noms sont restés attachés à la construction de deuxième refuge de la Selle : Dudero et Bourgeois, deux noms que nous avons déjà rencontrés en évoquant ailleurs l’épopée de la construction de premier refuge Adèle Planchard.

Evoquons d’abord celui qui donna son nom à ce refuge, Edouard Bourgeois. Reparlerons-nous encore une fois de ce grand scientifique liégeois du début du siècle, amoureux de l’Oisans et vivant dans le culte de son amie trop tôt disparue, Adèle Planchard ? Son appui financier avait été d’un grand secours, dix auparavant pour l’achèvement de la baraque sise à 3170 mètres d’altitude au campement Gravelotte sous Roche Méane ; cette fois ci ce ne fut plus une aide mais un financement quasi total qu’il apporta à l’impécunieuse société grenobloise et c’est e mémoire de ce geste que la STD donna son nom au nouveau refuge de la Selle. Le 14 août 1934, il écrivait à André Mallieux : " Depuis trois semaines, je suis presque constamment au refuge dont j’achève l’aménagement ; l’inauguration en a eu lieu par un temps splendide succédant à deux jours de neige. Quand, quatre ans plus tard, en 1938, les deux frères, André et René Mailleux, alpinistes belges réputés, retour de l’Oisans, viendrons lui rendre compte de l’excellent état de son enfant, Edouard Bourgeois, abattu depuis six mois par une attaque cérébrale, muet, paralysé, à l’agonie, aura la force d’esquisser un sourire : il pourra partir heureux.

Le maître d’œuvre enfin, dont le souvenir demeure intact et vivace chez beaucoup de vieux grenoblois : Maurice Dodero. Il avait d’abord écarté un premier emplacement choisi pour sa situation très protégée et très visible, en dessous de la plate forme primitive, près des rochers moutonnés de la moraine : des infiltrations d’eau permanentes rendaient périlleuse toute construction. Finalement, on décida de raser l’ancien refuge en piètre état et de rebâtir à sa place. On abandonna à cette occasion l’ancienne formule "charpente métallique et parois de bois " qu’on avait utilisée avec succès pour les refuges Jean Collet et Planchard et on construisit sur les plans de l’architecte Faucherand, un refuge de pierre. Laissons parler Dodero lui-même :

" Il est en belles pierres de taille. Accroché à pleine pente, la partie arrière est enfouie dans la terre jusqu’au niveau de la toiture et de ce fait le refuge est protégé contre la poussée des avalanches. La charpente, soutenue par une ferme et par deux poutres verticales dont les sections carrées ont vingt centimètres de côté, a été calculée pour résister à d’énormes poussées. Le mur est protégé par une couche de ciment imperméable contre les infiltrations qui pourraient se produire ".

Raffinement suprême et astuce bien dauphinoise, les baies non ouvrante qui éclairent le refuge au sud sont à double vitrage ce qui est une première en construction de montagne, et "elles ne sont pas munies de volets : la protection que ces derniers constituent habituellement contre les cambrioleurs serait superflue ici, la porte n’étant pas fermée à clef ; de plus, les volets maintiennent l’obscurité et il est préférable que le soeil assainisse le refuge pendant les longs mois d’hiver ".

Edouard Bourgeois, quant à lui, non content de financer la plus grande partie de la construction, veilla personnellement à son aménagement intérieur : ce n’est pas sans émotion que l’on peut encore contempler le rustique thermomètre qu’il installa lui-même. Hélas ! Que sont devenus le baromètre, la batterie de cuisine, "les couteaux inoxydables ", "les réchauds modernes ", la pharmacie et … le réveille-matin ?

Ce refuge a admirablement résisté au temps contrairement à son prédécesseur. Le poêle a disparu mais tout le reste de la structure est intact soixante ans après. On lui construisit en 1949 une petite annexe pour loger le gardien et, à ce propos, il est temps de parler de tous ceux ou celles qui veillèrent sur le refuge Edouard Bourgeois.

Nous avons dit plus haut un mot des responsables qui le surveillaient et rendant plus ou moins régulièrement compte de son état à la STD lorsqu’ils y passaient à l’occasion de la chasse ou de course avec clients. Deux noms nous restent connus : Roderon Charles Christophe et Pierre Gaspard Père. Quant aux vrais gardiens, vivant sur place pendant l’été, à tout seigneur tout honneur, le premier fut Pierre Paquet dit la Vierge ; haute figure du Vénéon, il fut aidé dans cette tâche au début des années 50 par sa fille Denise.

A partir de 1954 (et jusqu’à nos jours) le gardiennage d’Edouard Bourgeois fut l’apanage de la famille Brun de St Christophe. Tout d’abord Pierre Brun qui passa le flambeau à son fils Yvon, guide de haute montagne ; ce dernier se souvient encore du temps où il ravitaillait le refuge avec son mulet. Pendant l’été, il en confiait la garde à ses sœurs Marie Alice et enfin Marie Thérèse ; lui, assurait le gardiennage au printemps et en automne.

C’est lui également qui participa aux travaux de construction du troisième refuge et qui donna le premier coup de pioche de leur démarrage le 6 octobre 1967.

Car depuis le début des années 60 on parlait d’agrandissement ; plusieurs projets furent abandonnés et la priorité revint à la transformation du refuge Jean Collet dans Belledonne. Une étude fut finalement entreprise par les membres du conseil d’administration de la STD avec l’aide de Mr Thomas de la Société Sud Est Equipement de Chambery : Il fut décidé d’user de préfabrication et de matériau retenu pour l’ossature fut un béton alvéolaire appelé "siporex ", "l’aménagement intérieur et le revêtement extérieur étant réalisé avec des matériaux plus classiques tels que le bois et les bardages en tôles nervurées. " (rapport Chamel 28/10/70)

On créa, à côté du refuge Bourgeois, une terrasse de 200 m². A la fin du printemps suivant (1968) un groupe de la STD prépare le montage d’un petit téléphérique qui montera les matériaux (sable et gravier) prélevé sur la moraine du glacier de la Selle ; il est installé en août et fonctionne début septembre. " A la fin de l’automne, la terrasse est complètement terminée et les matériaux sont à pied d’œuvre pour la confection de la dalle d’ancrage "(rapport Chamel). Au printemps 1969, la dalle et les piliers d’ancrage sont coulés par le gardien et une équipe. A noter que pendant l’hiver le constructeur pressenti a fait faux bond et que la STD devient son propre maître d’œuvre. Mi-juillet un héliportage massif transporte 40 tonnes de matériel depuis les Deux-Alpes. Fin septembre, le refuge est clos et prêt à passer l’hiver. En juin 1970, on attaque l’aménagement intérieur, la peinture étant faite par le gardien et quelques bénévoles de la STD. L’inauguration a lieu le 20 septembre 1970.

Cette réalisation eut, comme toutes les autres, son lot de dévouements, de luttes, de déceptions ; il n’y manquant même pas l’annulation d’une subvention officielle promise, annulation à laquelle il fallut remédier de toute urgence.

Dès le départ ce nouveau refuge fut critiqué pour l’exiguïté de sa cuisine, du logement de son gardien et surtout de la salle à manger. Ce qui ne semblait que gênant il y a 25 ans est devenu presque intolérable aujourd’hui. Par ailleurs, la Selle est restée le refuge phare de la STD, sous le gardiennage éclairé de Jean-Pierre Brun, neveu d’Yvon et de la très-présente Florence Turc6Chalvin. Et c’est tout naturellement qu’après la construction de nouveau Planchard et les améliorations apportées à Jean Collet et à la Morte, le conseil d’administration s’est résolu, non pas à une modification du bâtiment existant pour accroître le couchage du refuge mais à un agrandissement et à une transformation pour créer une vaste salle à manger, une cuisine fonctionnelle et un logement des gardiens agréable et spacieux.

Telle est l’origine de la quatrième et dernière (en date) métamorphose de ce refuge. La STD a toujours désiré que ses refuges conservent une taille humaine et ne soient pas transformés en casernes d’altitude ; elle attache une importance extrême à l’accueil et à la qualité du séjour des alpinistes. Elle n’ignore pas la nécessité pour les gardiens de gagner leur vie et, si elle tient à conserver un droit de regard sur les prix de restauration pratiqués, elle a toujours su respecter leur indépendance ; mais pas au prix d’une sélection de la clientèle par l’argent : c’est pourquoi la nouvelle réalisation comporte également une salle des réchauds que bien des refuges peuvent lui envier.

L’histoire de ce quatrième avatar ne sera pas contée ici : elle s’achève à peine. Nous en avons exposé les principes, les buts : les uns ont été pleinement respectés, les autres ont été atteints. Nous dirons seulement que sur un coût total évalué à 4 millions de francs (dont un tiers pour les héliportages !), les subventions ont permis d’assurer 40 % du budget, le reste étant totalement pris en charge par notre société. Ici encore les déceptions de tout ordre n’ont pas manqué : nous n’avons, par exemple, pas touché un centime de "jeunesse et sport " ce qui a beaucoup gêné et trois ans de suite, nous avons pu contempler cette manne arroser d’autres projets que le nôtre.

Finalement, tout est bien qui fini bien et nous pouvons désormais nous tourner vers d’autres horizons, d’autres refuges à construire ou à améliorer, respectant ainsi la charte de nos anciens :

" La Société des Touristes du Dauphiné se propose exclusivement l’étude des Alpes Dauphinoises, soit du point de vue scientifique, soit du point de vue excursions qu’elle s’efforcera de faciliter par tous les moyens possibles. " (Règlement adopté par l’Assemblée Générales du 24 mai 1875 : article 1er)

 

 

 

 

 

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